Depuis sa naissance en Algérie où elle a vécu jusqu’à l’âge de 18 ans, Zaho a pu mesurer la difficulté d’avoir des rêves et une sensibilité artistique. Zaho a grandi à Alger, dans un quartier populaire. Inscrite par son père à des cours de musique, elle apprend la guitare à 7 ans.
À 10 ans, elle reprend déjà le répertoire de Francis Cabrel. « J’étais la seule fille du quartier à jouer au foot avec les mecs, la seule à jouer de la guitare », se souvient-elle. Issue d’une famille instruite (père cadre, mère prof à l’université), Zaho affirme sa différence. « Bizarrement, la génération de mes parents était plus ouverte que la nôtre. Nous, on a du se chercher ». Zaho s’ouvre à de nouveaux mondes grâce à la musique, celle d’Idir comme de celle de Tracy Chapman. Elle découvre le rap français de MC Solaar, NTM et IAM, reprend les morceaux qu’elle entend à la radio. Le coup de pouce du destin vient en 1999, quand elle émigre avec sa famille au Canada. « Là-bas, c’est chacun pour soi. Vu que j’étais isolée, je me suis demandée quel était vraiment le rêve de ma vie. Et j’ai compris que c’était de chanter ».
Zaho rencontre des producteurs, découvre le monde des studios, commence à poser sa voix sur quelques refrains, impose ses premiers featurings. Missy Elliott, exemple de créativité envers et contre tous, est une de ses influences. Très vite, Zaho devient une pro des studios. Elle met ses études entre parenthèses et se consacre pleinement à la musique. Son mentor est Phil Greiss, un producteur français installé au Canada. Le buzz se fait insistant et arrive en France. « Sans être arrogante, je disais non à la plupart des propositions car je ne voulais pas être sous les projecteurs à n’importe quel prix ». Avec Phil, Zaho se façonne un son. Et ne cesse d’écrire des chansons : « La roue tourne », « Assassine », « Incomprise » et « Dima », qui donnera son titre à l’album, sont écrits à cette époque. « Il y a pas mal de morceaux qui sont nés d’une jam. Phil est au piano, il sort une ligne mélodique, j’ai un refrain, je commence à improviser… Pour d’autres titres, je lui parlais de l’ambiance du morceau et il me faisait du sur mesure ».
Zaho ne cherche pas le tube mais la cohérence. Elle cultive sa différence. Avant de finir son album, elle fait une rencontre déterminante : Idir, le géant de la musique kabyle. « J’avais écrit une chanson pour lui et je la lui ai proposée un soir en backstage, avant son concert. À peine j’avais commencé les premières lignes qu’il me disait “c’est magnifique, mais si je la prends c’est à condition que vous la chantiez avec moi“ ». C’est ainsi que Zaho a chanté en duo avec Idir le très émouvant morceau « Tout ce temps » et s’est retrouvée à assurer la coordination artistique du titre phare de l’album La France des couleurs. Quand Zaho met la dernière touche à son premier album, elle a déjà fait pousser son jardin musical, riche de chansons adultes qui sont autant de tranches de vie. Dima est un premier disque original, entre plusieurs mondes, teinté de r&b avec des flashbacks de musique arabe et une touche hip hop. Zaho a aussi trempé sa plume dans l’encre de ses souvenirs, revivant les moments douloureux du départ d’Algérie dans « Kif’n’dir », dédié à son pays qu’elle a quitté en « aller simple charter ». La musique est en phase avec la voix, organique. « Sur la première version, il y avait des violons synthétiques. On a fait venir des violonistes pour le supplément d’émotion qu’ils pouvaient apporter. Sur “Tu ne le mérites pas“ et “Tout vibe bien“, on a fait venir un guitariste », précise Zaho.
« Mon parcours » évoque cette enfance passée à déambuler dans le quartier, à « croquer la vie avec des dents de lait ». Voix soul, flow unique entre rap et chanson : Zaho se démarque du r&b sans substance qui inonde les ondes. Elle est bouleversante sur « Incomprise », morceau à fleur de peau au texte à double sens (« Je suis lâche parce qu’on m’a jetée dans le vide/J’ai déployé mes ailes vers un avenir/D’ici la vue est belle mais je réalise/Que sans parachute, la peur paralyse »). « Je sais exactement ce que je veux, ce qui me met à l’aise. Je ne me définis pas comme une chanteuse de r&b ou de hip hop, je préfère être difficile à décrire, et dire que je fais de la pop urbaine ». Les deux guests de l’album sont également venus du bitume : Bachir alias Tunisiano pour « La roue tourne », mais aussi le Marseillais Soprano pour un « Hey papi » explosif. La boucle est bouclée. Une nouvelle aventure commence pour Zaho, celle de l’album Dima, un mot arabe signifiant « éternellement ». « Je suis consciente de l’enjeu », conclut-elle, « je veux me faire plaisir et faire plaisir aux autres».
Cette fois, Zaho est prête. Son univers est défini, sa voix a trouvé l’écrin musical idéal pour porter ses mots. C’est une évidence pour ceux qui savent : 2008 sera l’année Zaho.